samedi 21 mai 2011

Tout est possible


La tête, je l'ai encore ailleurs aujourd'hui... Il y a de quoi.
Entre les "qui l'eût cru" nationaux et les "qui l'eût dit" un peu plus  personnels, j'ai la conviction désormais que tout est possible... Est-ce négatif que tout le soit ? Non. Est-ce positif ? Non plus. En fait avec cette constatation aujourd'hui, je ne suis pas plus avancée. Humblement, je contemple les événements récents de ma vie (de nos vies), et j'attends. J'attends quoi ? Que l'invraisemblance prenne un sens à mes yeux, sans doute.  

J'ai fait aujourd'hui un bilan digne d'Hollywood. On me l'aurait prédit il y a deux ans, que j'aurais évoqué en "tuipant" un mauvais scénario d'une production à deux sous, un film ou deux anciens présidents de la république, ennemis redoutables, se côtoient en silence dans un tout petit espace géographique; ou le Palais National et la cathédrale de mon enfance sont en ruines; ou la star de konpa de ma jeunesse est à la magistrature suprême...

L'un de mes meilleurs amis, (que je croyais un vrai macho) a récemment "viré de bord". L'homme cravaté, tombeur impénitent qu'il était, déambule maintenant en sandales, en se déhanchant, tenant par la main un autre du même sexe. "Pas lui...!" me suis-je écriée devant l'évidence. Et pourtant...

A ce rythme, je pourrais moi, entrer en religion. Sœur Christina de l'enfant Jésus, ça sonne bien... Je vois déjà ceux qui me connaissent, s'esclaffer en m'imaginant (entre autres incartades), piller sans retenue le stock de vin de messe. Mais non ! Faites donc le bilan avec moi et la question sera (voir plus haut) : Pourquoi pas ? Je fus pieuse, je puis encore l'être... Je ne l'aurais jamais été que je pourrais le devenir. Car tout est possible... comme me le démontre, ce film insolite qui se déroule ces jours-ci sous nos yeux. Est-ce négatif que tout soit possible ? Non. Est-ce positif ? Non plus. Il est difficile de voir noir ou rose à ce stade. Réaliste, je me demande seulement, si sœur Christina (aimant bien son petit vin) se serait vraiment contentée de la sobriété et de la prière. Autrement dit, les gens s'assagissent-ils ? 

Est-il possible d'effacer d'un coup les  traumatismes d'une histoire si récente ? De recommencer à zéro ? De se côtoyer pacifiquement en enterrant la hache de guerre ? D'être une meilleure personne ? De rester tranquille quand on ne l'a jamais été ? De troquer un char de carnaval contre un palais ? De ne pas boire en cachette le vin de la messe ? L'invraisemblance pourrait-elle ne pas être suspecte ou catastrophique ? Pourrait-elle  découler parfois du rêve, du courage, de la créativité ou de l'évolution ?  Le rêve devient-il parfois réalité, sans virer au cauchemar ? L'incroyable peut-il est positif ?

Pensant aujourd'hui à ces monuments historiques, et à ces amis qui ne sont plus, je m'effraie du fait que si tout est possible, tout peut aussi arriver. Quand la vie se prononce, souvent implacable, elle nous force  à tout accepter d'elle, à tout réajuster. Il nous faut alors apprendre à mieux nous protéger et nous refaire une place dans ce monde de violence, de séismes, de tsunamis, de maladies, d'accidents...Avons nous le choix ? Mais pour le reste, l'artiste en moi a envie de s'accrocher à ce côté un peu: "Réinventer le monde", de ce bilan d'aujourd'hui... Dans le concept "Tout est possible"... Il peut y avoir de la magie aussi, non ? Possssssible... Dans ce sifflement, je sens une brise d'espoir et le message soufflé par la vie, que tous les hommes et toutes les femmes de la terre  ont le pouvoir de tout changer. A tout moment, n'importe quand. Tout changer pour le bien, tout changer pour demain. Dans possible, je vois l'après catastrophe, la deuxième ou vingtième chance... Dans ce mot, il y a pouvoir, il y a éventualité, il y a capacité. Possible, cela veut dire réalisable, mais j'y vois aussi :  audace, créer, oser. Oser établir d'autres repères. Oser rentrer chez soi. Oser devenir meilleur. Oser être optimiste. Oser briguer le pouvoir exécutif. Oser le gagner. Oser assumer sa sexualité. Oser réussir. Oser aimer. Oser dire non. Oser dire oui. Oser porter le voile... (Surtout qu'il y a sœur Teresa comme modèle... je n'y avais pas pensé).

Mais sœur Christina perd de sa force comme concept...Tout n'est possible que quand on y croit fort, quand il existe un rêve à la base... J'ai déjà choisi mon rêve, et ce n'est pas celui de la sainteté. Il est celui d'une Haïti enfin meilleure, ou l'invraisemblance est magie, ou les hommes et les femmes le cœur inondé de courage et d'amour, auront fait le choix du progrès et du changement.

Tout est possible. Plus je le dis, plus j'y crois. Est-ce négatif que tout le soit ? Non. Est-ce positif ? Non plus. En fait c'est à nous de décider. Nous en avons le pouvoir. Nous avons le choix. De tout changer. Pour le mieux. Si nous le voulons. Cet insolite dans lequel nous baignons, qu'il soit le départ d'une nouvelle énergie ! Qu'il soit porteur de ces voix qui peuvent tout améliorer! Qu'il décuple notre créativité, notre clairvoyance, notre prudence, notre humilité!  Qu'il nous ouvre l'esprit et le cœur! Qu'il nous donne les mots et les gestes qu'il faut! Qu'il nous permette de nous réinventer !

Haïti propre, Haïti éduquée, Haïti sans esclavage, Haïti prospérité, Haïti travail, Haïti respect, Haïti tourisme, Haïti sécurité, Haïti justice, Haïti verte. Et pourquoi pas ?

mercredi 16 mars 2011

Maudite tête ailleurs !





Qui est notre mémoire ? Et ou est notre mémoire ?
Nous vivons chaque jour l'histoire, mais qui va la raconter ?
Fera t-on croire à nos enfants et arrières petits-enfants que tel ou tel filou ou clown du monde politique d'aujourd'hui était un héros ? Ce quotidien baignant dans tant d'incohérentes divisions, et d'intérêts malsains, quel compatriote est en train de le raconter aux futures générations ? Et avec quelles visières ?

Un historien pourtant connu pour être crédible et impartial dans ces analyses  m'a annoncé l'autre jour, dégouté qu'il ne "perd" plus son temps à écrire pour la postérité. Dépendrions nous d'une poignée de bénévoles autonomes ? Ou du lobbying de politiciens soucieux de garder leur nom "propre" dans l'histoire ?  Ou de l'analyse boiteuse de quelques amateurs ? Ou sont les historiens crédibles ? De grâce dites moi qu'ils sont en train de travailler pour nos descendants...

  Dans cette confusion ambiante, cette lutte acharnée et impitoyable pour la survie, devant les anomalies grotesques, l'audacieuse fourberie des acteurs actuels de la politique haïtienne, qui est entrain de rester impartial ? Qui n'est pas dégoûté d'écrire ? Qui a le souci de la vérité et du futur  ?

Il y a  une demi heure, devant mon dit "petit" écran, je regardais horrifiée et incrédule, "l'actualité nationale"... Maintenant, la tête ailleurs, je me laisse aller à une rêveuse inquiétude, en imaginant un terrible futur,  un futur célébrant de faux héros et racontant une histoire partiale et trompeuse. J'imagine des récits et textes  historiques glorieux jonchés de canonisations financées par un argent depuis longtemps évanoui dans la crasse de la survie, puis dans la poussière de la  mort et de l'oubli...

J'imagine ces fameuses missions pour la paix présentées en trois misérables lignes, à la Roume, Mirbeck et Saint Léger...leurs chars de guerre dessinés soigneusement sur une large page d'un livre, comme étaient illustrées la Pinta, la Nina et la Santa Maria... J'imagine les noms, de nos trop nombreux présidents de 1971 à nos jours, listés en lettre d'or... Je vois de là "l'étranger" photographié en costume, sourire aux lèvres et présenté en sauveur de la République... j'imagine aussi pourtant, malgré tous ces sauveurs nationaux et internationaux, vision désolante, notre côté de l'île encore dans le même état... et le même état gérant notre côté de l'île... La vision est familière... une nation délabrée, éventrée, pillée, célébrant les bienfaits du passé...

N'est-ce pas ce qui nous attend ? Sommes nous autre chose qu'une "opportunité" pour les nombreux dirigeants et bienfaiteurs ?  Haïti arrivera  t-elle quelque part, quand elle continue d'être gérée par la cupidité, les intérêts personnels, l'irresponsabilité, la démission, l'ignorance et l'incurie.

La tête ailleurs, je visualise mes petits-enfants, ânonnant comme on nous  apprend à le faire à l'école, la longue liste des "bienfaiteurs de notre nation". J'entend d'ici leur petite voix criarde et innocente, nommer des "sauveurs de la patrie" ou "héros"  ces gens que j'appelle moi aujourd'hui des voleurs, des incompétents, des avides de pouvoir ou des vicieux... Et cette vision me donne froid dans le dos...

A quoi ressembleront-t-ils mes petits descendants ? Je les imagine volontaires et passionnés comme ma mère, obstinés comme mes fils...Seront-ils à l'école en Haïti ? Haïti sera t-elle même leur patrie ? Je me surprends parfois à souhaiter que non... Tout comme des fois dans une flambée d'optimisme, je les imagine faisant partie d'une génération glorieuse de bâtisseurs... Seront-ils honnêtes mes petits enfants ? Véhiculeront-ils les belles valeurs familiales ? Quels intrus, quels "étrangers sans visage et sans nom" viendront changer le cours des choses et l'histoire de notre famille ?

J'aurais souhaité me tromper mais je sais que mon inquiétude est légitime. Parce que, d'une génération à une autre, pis, d'une année à la suivante nous balayons l'histoire, d'un revers de main pour recommencer des erreurs impardonnables, pour célébrer la honte et pour justifier notre démission.

Nous méritons sans doute comme a dit l'autre, les gouvernements que nous avons eu jusqu'ici. Une très courte mémoire que la nôtre. Une qui oublie les échecs, les crimes et le sang, qui fait sourire et serrer la main à l'ennemi, qui nous enferme dans nos "petites affaires"  et nous aveugle au point de nous faire oublier que nos "petites affaires" dépendent de nos valeurs et notre environnement social, politique, économique, et que toutes ces choses sont indiscutablement  conséquences de notre passé collectif.
Ah que j'aurais aimé de préférence pouvoir écrire l'histoire !

Maudite tête ailleurs ! qui a choisi de préférence le chemin des émotions. Sur ces chemins ou elle me mène, chemins parés de sentiments et de doutes, aucun nom, aucun fait précis, aucune chronologie, ne racontent Haïti. Dans mes mots aujourd'hui, il y juste la déception du présent et la crainte du futur. Il y a de l'imagination aussi, et des émotions bien négatives, je le crains... Mais des émotions qui diront quand même, je l'espère  à mes petits enfants qu'ils ont tout comme le devoir de la faire du mieux qu'ils peuvent, le droit de questionner l'histoire...